Monument virtuel

Dans son excellent ouvrage "Les Vendéens dans la Guerre de 1870" Gilles Bresson fait, à la fin de son étude, un inventaire des monuments aux morts de la guerre de 1870. Ils sont peu nombreux : 7 au total pour le département. On est loin de la pratique des commémorations de la Guerre 14-18. Un autre point qui est étonnant est que ces monuments ne comportent pas systématiquement les noms des personnes tuées au combat. C'est le cas du monument de Fontenay-le-Comte.

Edifié à l'origine à l'angle du boulevard Hoche et de la rue de la République, ce monument commémoratif de la guerre 1870-1871 a été récemment déplacé place des Victoires. Il avait été inauguré le 17 avril 1897 en mémoire des combattants de l'arrondissement, mais aucun nom n'y figure.

Néanmoins la Revue du Bas Poitou publia en 1921 une liste de 11 soldats de Fontenay-le-Comte morts durant la guerre de 1870-1871. (Op cit)

Il existe cependant un autre document qui donne une liste plus complète de noms. C'est un livre publié en 1897 à Fontenay à l'imprimerie A. Baud, Grande-Rue, dédicacé "aux soldats de l'arrondissement de Fontenay-le-Comte morts pour la patrie" et intitulé "Pieux Souvenirs de leurs camarades". François Baubineau de la Jaudonnière a fait cette trouvaille aux Archives Départementales et il a fait des photocopies en vue de leur publication sur ce blog.

Nous reproduisons aujourd'hui l'introduction de ce Livre d'Or. Il est très instructif sur l'état d'esprit de nos compatriotes et des anciens Combattants.

INTRODUCTION

 Aujourd’hui  Vingt sept avril mil huit cent quatre-vingt-dix, sera inauguré le monument élevé sur l’initiative et par les soins de l’Union Fraternelle des anciens Combattants de la guerre de 1870-71 en l'honneur des enfants de1’ arrondissement de Fontenay-le-Comte, tués à l’ennemi.

Monsieur le Président de la République a bien voulu accepter la présidence de la cérémonie d'inauguration dont sa présence rehaussera la solennité.

Un exemplaire de ce Livre d'Or, sur les pages duquel sont inscrits les noms des morts, des disparus, des blessés de tous ceux qui ont eu l’honneur de verser leur sang pour la Patrie, sera remis au Chef de l’Etat, par le Président de l’Union Fraternelle, M. Henri Normand, ancien lieutenant au 35° mobile, Chevalier de la Légion d’Honneur.

C'est le 20 janvier 1895, dans une réunion tenue au Théâtre de Fontenay, que les survivants de la guerre de  1870, associés par la communauté de leurs regrets et de leurs espérances patriotiques, se groupèrent, écartant toute divergence politique, pour fonder l'Union Fraternelle des anciens Combattants. Leur première pensée fut pour les morts; et, dès cette première réunion, fut décidée l'érection du Monument que l'on inaugure aujourd'hui.

Le Comité de l'Union Fraternelle, alors composé de MM. Nornand, Président ; Berteaud et Barreaud, Vice-Présidents ; Niles et de Rochebrune, Secrétaires ; Marie, Trésorier ; Arhancet, Baud, Boidé, Boutet, Candolive, Docteur Chevallereau, Hippeau, Mady, Michand, Pouponneau, Docteur Rousse, Favreau, Martineau, Daguzé, Gobert, Fleurisson, Robineau, Hurtaud, Monlinneuf, Malaplanche, Baudry, Parion, se mit aussitôt à 1'œuvre. Une souscription publique fut ouverte ; accueillie avec une faveur dont le Comité remercie hautement ses Concitoyens, elle produisit rapidement une somme assez importante pour permettre de réaliser le programme de l'Union.

A la suite d'un Concours, auquel prirent part un certain nombre d’artistes de valeur, la Commission d’examen fit choix du projet présenté par un Architecte parisien, M. Letrosne, qui a été chargé de l'édification du Monument qui décore aujourd’hui 1a  principale voie de notre ville.

M. Letrosne a eu pour collaborateurs dans l’exécution de ses plans, M Métivier, sculpteur-ornemaniste, qui a sculpté les motifs de décoration du Monument, et M Hippeau, membre de l'Union Fraternelle, qui a pris l’entreprise de l’ensemble des travaux.

Nous ne décrirons pas l'œuvre de M. Letrosne. La très belle eau-forte qu'a bien voulu graver M O. de Rochebrune pour servir de frontispice à ce Livre d'Or, en reproduit la composition de haut style et en fait apprécier les élégantes proportions. Nous rappelons seulement que l'admirable figure de jeune fille qui orne la façade principale, est la répétition en bronze de la pure image de marbre qu’un des maîtres statuaires de ce temps, Henri Chapu, modela au lendemain de la guerre, pour le monument élevé à l'Ecole des Beaux-Arts, en l'honneur d'Henri Regnault, le grand artiste mort en soldat.

Sur les faces latérales du Monument sont inscrits les noms des batailles auxquelles prirent part les Combattants de notre arrondissement. – Sur la face Nord on lit Réichshoffen, ezonville, Coulmiers, Saint-Privat, Bazeilles, Champigny, Patay, Villorceau-Jones ; - Sur la face Sud : Le Bourget, Héricourt, Saint-Quentin, Buzenval-Montretout ;. – Enfin, sur la face postérieure, au-dessous d’un trophée d'armes et de drapeaux, sont graves, en manière d épitaphe ces versd’un membre de l'Union, M. Alexandre Bonnin, qui expriment, avec une virile éloquence, la signification de Monument :

 Jeunes gens qui passez, honorez leur mémoire,

Imitez leur courage à l'heure du danger ;

N’oubliez pas ces morts qu'a  trahis la victoire,

 Car vous aurez un jour l'honneur de les venger.

Le Livre d'Or, publié par le Comité de l'Union Fraternelle, est le commentaire et le complément nécessaire de l'œuvre que 1'on inaugure aujourd’hui. En effet, dans la pensée du Comité, inspiré du désir de tous, les noms des morts devaient être gravés sur les faces du Monument. Mais à Mesure que l’on avançait dans le dénombrement des victimes de cette guerre néfaste, le glorieux martyrologe s’allongeait sans fin, attestant que l'arrondissement de Fontenay avait libéralement payé à la France, la dette du sang. Et cette douloureuse nécrologie apparut bientôt si nombreuse, qu’il devint impossible de donner suite au projet d’inscriptions individuelles.

Cependant il fallait que l'hommage fut complet, que justice fut rendue à tous, et c’est pour cela que paraît ce Livre d’Or.

La mémoire des vaillants qui sont morts pour la défense du sol national, y sera bien gardée.

Les Monuments de pierre ou de bronze n'ont pas la durée des feuillets légers du livre. L'immortel poème d'Homère, le plus vieux livre qui nous soit parvenu, le plus ancien que mentionne l'histoire de la pensée humaine, nous redit encore les noms des héros de la guerre de Troie, tandis, que les temples, les palais de la ville de Priam, sont depuis des milliers d'années écroulés, tandis que des hautes murailles qui arrêtère pendant dix ans l’assaut de la Grèce, il ne reste pas même quelques pierres permettant de déterminer la place où elles érigeaient leurs formidables remparts.

Le Temps a tout enfoui sous son manteau d'oubli. Mais la voix du· poète, victorieuse du Temps, chante toujours la gloire des combattants.

De même ce Livre d'Or demeurera, pour perpétuer le souvenir de nos morts, de ceux qui, alors que tout était perdu, ont donné leur vie pour sauver l’Honneur.

                                                                                                          X...

Dans un prochain article nous donnerons les noms relevés dans ce document, patience ...